de Jean-Claude RISSET(1)
Pierre Schaeffer n'a pas voulu être seulement un inventeur, mais aussi un guide. Au delà de la trouvaille, il a proposé une méthode et montré une voie vers un solfège des objets sonores et musicaux. Edgar Varèse appelait de ses voeux un renouveau de "l'art-science" : Schaeffer a, le premier, institué une recherche musicale. Sa vision, sa ténacité, et aussi l'influence dont il a pu jouer de par sa position d'ingénieur dans le corps des Télécommunications, lui ont permis d'imposer cette institution "impossible et nécessaire" et de créer un groupe de recherches musicales, le G.R.M.
À l'occasion du cinquantenaire de la musique concrète, de nombreux hommages ont été dédiés à Pierre Schaeffer sous forme d'articles, ouvrages et concerts. Personne peut-être ne s'est consacré autant que Martial Robert à l'étude de Schaeffer et de son parcours sans pareil. Lui-même compositeur électroacousticien, élève d'Ivo Malec et de Denis Dufour, chercheur et pédagogue, Martial Robert tient l'itinéraire schaefferien pour une voie royale : il a été envoûté par un personnage inclassable, ingénieur de formation, musicien, chercheur, écrivain - une "vocation de contre-emploi"(3) - et par sa profonde dimension humaniste.
On peut résister à la démonstration, et douter du souci de l'humain comme garant esthétique. On peut être moins sceptique que Schaeffer sur l'art de notre époque, qui est souvent mieux qu'un syndrome. On peut - c'est mon cas- croire que l'ordinateur peut être profitable si l'on n'en fait pas un repère, une fin ou un alibi, mais un moyen de microchirurgie sonore, de représentation et d'écriture : un outil universel, selon Michel Serres, ou mieux, suivant François Bayle, un atelier aidant à développer les outils d'un savoir et d'un savoir-faire matériel autant qu'intellectuel.
Jean-Claude
risset (1)
RISSET (Jean-Claude) (1938), compositeur et chercheur fr. Elève de Jolivet, il
a rencontré étroitement Varèse. Dans les années 60, il effectue pendant
trois ans aux laboratoires de la Bell Telephone à New-York, des
recherches déterminantes sur la synthèse des sons par ordinateur aux côtés
de l'initiateur Max Mattews et en association avec Guttman et Pierce. Il publie
en 1969 un catalogue de sons synthétisés par ordinateur. Entre 1970 et 1971,
il dirige la mise en œuvre d'un système de synthèse des sons à Orsay (C.N.R.S.),
participe aux travaux de l'E.Ma.MU. de Xenakis et enseigne à Stanford
University, au Darmouth College et au Summer Electronic Music
Institute (1978). De 1976 à 1979 il fut directeur du département
"ordinateur" de l'I.R.C.A.M. Entre 1971 et 1985, il poursuit
ses recherches à l'Université de Marseille-Luminy puis devient en 1985,
Directeur de recherche au C.N.R.S. (Laboratoire de Mécanique et
d'Acoustique). Ses oeuvres sont entièrement synthétisées ou avec l'aide des
instruments cherchent à faire la liaison entre les deux mondes dans un style
plutôt rassurant. Son travail remet en question quelques barrières et préjugés.
1er prix de musique numérique au festival international de musique
électroacoustique de Bourges en 1980. Grand Prix de la musique symphonique de
la S.A.C.E.M. (1981). Médaille d'argent du C.N.R.S. (1988). Grand
Prix National du disque (1990). (Dictionnaire de la Musique, "Les
hommes et leurs œuvres", (sous la dir. de Marc HONEGGER), Paris, Bordas,
1986 ; Dictionnaire de la musique française (sous la dir. de Marc VIGNAL), Paris, Larousse, 1988 ; Dictionnaire de la musique, "les
compositeurs", (sous la dir. d'Alan PARIS), Encyclopaedia Universalis,
Albin Michel, 1998.)
(2)Aux
éditions du Seuil, 1 : 2è tri. 1952, 2 : janv. 1998.
(3) Si toutes les expressions entre guillemets, employées
par J.-Cl. Risset, sont de P. Schaeffer, celle-ci est survenue à notre esprit
en 1993 pour qualifier l'attitude schaefferienne, ce, influencés par la lecture
de l'article "P.S. ou l'esprit de contradiction" dans lequel Schaeffer
précise : "Je me donne volontiers comme un exemple de contre-emploi"
(in La jaune et la rouge, revue mensuelle de la société amicale des
anciens élèves de l'X, Paris, avril 1976, n° 310, p. 15.) (N. de l'auteur.)
© Ed. L'Harmattan