"Mieux vaut faire, et se repentir, Que se repentir, et rien faire."
DE SAINT-GELAIS (Mellin) (1491-1558)
(in Quatrains LXXVIII.)
Les ouvrages de référence de nos bibliothèques n'ont pas évincé le nom du véritable
initiateur, cité dans toutes les chronologies contemporaines mais dont ils
restreignent bien souvent, sinon toujours, la démarche -non analysée suivant
sa totalité- à un seul domaine.
Dans les années 1970, deux ou trois ouvrages ont tenté de
tracer la ligne droite du sens qui remonte des activités au destin, et
d'explorer "L'espace du dedans"(1),
de révéler, -même par l'allégorie- un "personnage hors mesure"(2).
L'auteur de romans, passé lui quasi inaperçu, plaçait sans aucun doute le
lecteur dans une perplexité certaine.
La puissance du vide des demi-mots et des maux nés d'interprétations
à craindre s'amplifiait donc avec le temps et justifiait plus que jamais la nécessité
d'un travail complet. Afin que notre regard soit imperméable aux passions, nous
avons décidé de travailler uniquement à partir des archives institutionnelles(3).
Pendant plusieurs années nous avons analysé près de huit mille pages, deux
cents émissions de radio et une dizaine de télévision afin de rédiger ces
lignes pour la plupart écrites avant le décès de Pierre Schaeffer en août
1995. Cet événement(4), comme auparavant
le quatre-vingtième anniversaire de l'homme de media et/ou musicien, puis le récent
"50è anniversaire de la musique concrète"
occasionnèrent enfin et heureusement, quelques hommages écrits et audiovisuels
mais à la diffusion peu accessible(5).
Communication et Musique en France entre 1936 et 1986 converge donc vers
Pierre SCHAEFFER, par son action au premier plan. Presque toujours étiqueté
comme l'inventeur de la musique concrète, cette classification est si prégnante
qu'elle masque toute autre qualité de l'homme précurseur du domaine de la
communication.
Comment en arrive-t-on donc à cette qualification dominante
de "compositeur" si nous en croyons les dictionnaires(6)
? Est-elle essentielle ? S'agit-il de vocation en admettant enfin ses pulsions
internes, de mûrissement, d'une toute autre influence ou du fil hasardeux de la
vie ? La voie schaefferienne a-t-elle été linéaire, préméditable sinon préméditée
? Il nous faudra plus d'un ouvrage pour y répondre pleinement(7).
En musique, son travail de recherche, centré autour du Traité
des Objets Musicaux(8) publié en
1966, a été manipulé sous tous ses angles et a subi tous les avatars d'une
finalité alors que l'auteur le revendique comme prémices. Il
constituera en un premier temps l'horizon de ce premier ouvrage et sera atteint
par une chronologie nécessaire, afin de découvrir les origines du personnage,
mais aussi par la logique de l'expérience propre à la vie, expliquant
le passage de la radiodiffusion à l'invention musicale soit Des
transmissions à Orphée.
(1)
Pour reprendre le titre de l'ouvrage d'Henri MICHAUX,
Paris, Gallimard, 1944, 284 p.
(2) in VOISIN (André), Adieu Grand Berger, Paris,
Laffont, 1971, couverture.
(3) Le lecteur trouvera en fin d'ouvrage la liste des archives
consultées.
(4) Décès survenu le même week-end que celui du dessinateur
Hugo Pratt qui, audimat oblige, eut davantage droit aux honneurs des journaux
télévisés, radiophoniques et de la presse -dans l'ordre de leur inattention-
que le pionnier Grand Officier de l'Ordre National du Mérite également -entre
autres- Commandeur des Arts et Lettres, membre du conseil d'administration de
l'Académie de France à Rome et surtout ex-membre du Haut Conseil de
l'Audiovisuel !
(5) Notamment les films P.S. Mémoire 1 : "Ingénieur
et/ou artiste ?", Mémoire 2 : "La recherche ?",
de Michel HUILLARD et P.S. mais diffusés à une heure fort tardive et pas
encore disponibles dans le commerce. Cf. notre FILMO-VIDÉOGRAPHIE en fin
d'ouvrage.
(6) Nous les avons examinés sur plus de trente années.
(7) C'est pourquoi deux autres sont d'ores et déjà
annoncés.
(8) Traité des Objets Musicaux, Paris, Seuil, 1/1966
2/1977, 670 p. puis 712 p.
(9) Nous pensons ici tout particulièrement à Madame
Jocelyne Tournet, schaefferienne au premier rang.
© Ed. L'Harmattan, 1999